Bricoler

Cancer et art-thérapie : se sentir vivante

Passionnée par mes recherches anthropologiques sur le rôle des perceptions et de l’imagination dans les processus de transformation thérapeutiques, j’ai eu la chance d’être accueillie par Anne Piguet-Krämer dans son atelier d’art-thérapie.

Anne Piguet-Krämer, infirmière, et son mari, médecin de famille bientôt à la retraite, ont investi l’ancienne gare de Colombier. Dans la salle d’attente, aménagée de manière poétique et chaleureuse, vous prenez place non pas pour attendre le prochain train mais pour un départ imminent vers un voyage intérieur. Pendant quelques semaines, j’ai pu partager l’ambiance intime d’un petit groupe de femmes touchées par le cancer. Ces femmes avaient en commun d’avoir choisi de suivre le cycle d’art-thérapie proposé par la Ligue neuchâteloise contre le cancer.

Suite à ces moments en groupe, ponctués d’échanges conviviaux autour d’un café, d’une tarte aux pommes ou autres douceurs apportées à tour de rôle, six femmes ont accepté de me rencontrer pour me raconter leur parcours autour d’une ou de plusieurs de leurs créations. Après avoir plongé dans la richesse des histoires personnelles, j’ai choisi de vous présenter ce qu’il y avait de commun par-delà la singularité de chaque témoignage.

Un premier trait, qui avait déjà attiré mon attention dans d’autres nombreux témoignages de personnes touchées par une maladie grave, est le bénéfice que les personnes disent retirer de cette épreuve:

«Mon cancer m’a stoppée net dans ma vie. J’ai une image très forte: j’ai eu l’impression qu’on me prenait mon agenda. L’agenda dans lequel j’avais toutes mes activités professionnelles, privées, notées. Et on m’a dit, “Bah voilà… vous me donnez votre agenda parce que maintenant il faut l’oublier… nous, on vous en donne un autre, dessus, c’est marqué hôpital”. Du jour au lendemain, j’ai cessé toutes mes activités, tous mes rendez-vous. J’ai tout annulé et j’ai dû aller à l’hôpital. Et c’est là que… tu te rends compte que tu cours après beaucoup de choses, mais est-ce que tu te poses la question: “Qu’est-ce que tu as envie toi? Qu’est-ce qui te fait du bien pour toi? Qu’est-ce que ce que tu fais dans la journée? Est-ce que tu as nourri ton âme, ou est-ce que t’as nourri les autres?” Pendant douze ans je n’ai pas pris de temps pour moi. Il m’a fallu un arrêt. La maladie.» (Céline1

«J’avais toujours la pression, en étant femme cadre, c’est compliqué… la pression d’être toujours la meilleure… Mais… pourquoi? Pour qui? Pour quand? Cela ne sert à rien de courir comme on court…» (Martine)

«Jusqu’à ce que je sois malade, j’étais toujours dans le “On y va, on est des battants, on y va, on ne laisse pas trop paraître ses émotions…” Puis cette maladie… c’est bête, mais ça m’a ouvert plein de tiroirs. Ça m’a apporté beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses… C’est un peu bête, mais c’est se dire… “J’ai le droit de m’arrêter, j’ai le droit d’aller me promener, j’ai le droit de me reposer”. Ça nous remet un peu à notre place quoi… Se donner le droit de s’arrêter et puis de penser à soi un moment… Arrêter de faire les choses seulement pour les autres… les faire pour soi aussi.» (Claire)

«Moi, cette maladie, elle m’a changé. Je dis toujours “Ben voilà, je suis la Léa 2.0”. Ça a activé une dynamique de changement assez impressionnante où on se reconnecte avec l’essentiel. Ce qui est superflu, ciao. Je me prends pas la tête avec les gens, ciao. Je ne prends que ce qui est bon pour moi. Donc il y a une phase où on est vraiment hypertourné sur soi-même… On rentre dans quelque chose d’un peu plus égoïste… Ce qui n’était pas facile pour moi non plus… Et puis tout d’un coup on se dit: “Accepte aussi que voilà, tu ne peux pas plaire à tout le monde et puis que tu peux pas aider tout le monde non plus… mais toi tu peux t’aider toi-même”…» (Léa)

«Le cancer, il m’a permis… de me respecter, de m’écouter. J’ai eu trois cancers… je n’ai plus de pancréas, plus de rate, plus de vésicule biliaire, plus… le premier bout du duodénum, etc. Je suis obligée de faire attention à moi, je suis obligée de me défendre, je suis obligée de m’écouter pour survivre, parce que si je m’écoute pas, si je ne gère pas, si je me fais envahir par les autres, ben je ne vais pas survivre 24 heures parce que je ne vais pas pouvoir gérer ma glycémie… La maladie m’a permis de faire attention à moi, de m’imposer avec les besoins que j’ai, de faire respecter mes besoins, de faire appel aux autres, d’être attentive à moi… Avant je prenais tout sur moi. Donc, là, la maladie m’a vraiment permis d’apprendre ce que j’avais à apprendre. Je suis une tout autre personne. Et bien plus heureuse que la personne saine avant. Où j’avais une énergie folle, presque illimitée. Je faisais face à tout et n’importe quoi, alors qu’aujourd’hui je sais que je suis limitée et je respecte mes limites. Mais… il est mieux de vivre comme ça.» (Catherine)

Si la maladie semble amener la plupart des femmes que j’ai rencontrées à prendre plus de temps pour elles, à s’écouter, se respecter, le processus n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.

«Des fois, avant d’être malade, je me disais “J’aimerais moins travailler, j’aimerais prendre du temps pour moi… Mais je ferais quoi si j’avais plus de temps? Je commencerais par quoi?” Je ne savais pas trop…» (Céline)

«Moi, j’ai travaillé toute ma vie. J’ai deux enfants, je n’ai jamais arrêté de travailler… C’est pas si facile hein… Quand on dit “Faut prendre soin de soi”… Je n’entends que ça, tout le temps: “Fais ce que t’as envie”, “Repose-toi”… Ok, on fait comment pour se reposer? Moi je ne sais pas faire ça… L’art-thérapie, ça m’aide beaucoup dans ce sens-là.» (Martine)

C’est avec cette perspective en tête que j’ai commencé à relire les différents témoignages. Comment l’art-thérapie permet-elle d’apprendre à «prendre soin de soi», «s’occuper de soi», à «s’écouter», « se protéger», « respecter ses limites», « nourrir son âme»? Après plusieurs lectures, j’ai identifié certaines récurrences. Ainsi, nous verrons que mes interlocutrices, tout d’abord, évoquent comment, se laissant conduire par la texture, le mouvement, les couleurs, elles plongent dans leur dessin jusqu’à moins sentir la douleur, jusqu’à ne plus se sentir malades. Comment, même sans force, épuisées, tristes, il leur est possible d’éprouver du plaisir, se sentir vivantes en s’exprimant, en créant. Puis nous découvrirons comment déposer son ressenti sur une feuille, dans la matière, permet, dans une certaine mesure, de le mettre à distance, de le contempler et de se laisser surprendre par ce qui se présente. Ainsi, positionnée en miroir, la peinture, le dessin, permet parfois une prise de conscience, comme un cadeau.

D’autres fois, elle initie un travail de transformation au travers du processus de création. Il s’agit alors de «changer de perspective», de « porter un autre regard», de « donner une nouvelle orientation», d’«élargir son horizon», de «tourner la page». Peu à peu, mes interlocutrices se familiarisent avec le fait d’exprimer leurs ressentis, d’en prendre conscience, de les mettre en valeur. Les couleurs, les matières, les formes, leur permettent, avec délicatesse, de partager les nuances de leur vécu intérieur, bien plus subtil que ce que laisse supposer la catégorie « malade». Fortes de leurs expériences, elles redeviennent « actrices de leur vie», dans un positionnement plus créatif que passif face à l’existence.

Avant de développer ces différents aspects, commençons par préciser que le processus de création en art-thérapie se différencie d’un processus artistique. Des participantes, accoutumées à la création artistique, s’expriment autour de cette différence:

«Au début, je me souviens, j’étais hyperenvieuse des autres du groupe qui ne savaient pas dessiner… qui avaient une liberté en fait… c’était vraiment un truc hyper compliqué pour moi de dire “On n’est pas là pour faire de la peinture, on est là pour lâcher prise à travers la matière. Juste pour le plaisir de mettre les mains dans la peinture, de sentir la craie, le pastel…”. Finalement, ce sont nos émotions qui guident nos mains…» (Léa)

«Il ne faut pas venir rechercher dans une art-thérapie la même chose que lorsqu’on fait de la peinture, ce n’est pas pareil… C’est plus dans la spontanéité, c’est moins réfléchi. C’est moins exact. On est tellement à l’intérieur quand on le fait… en fait on ne pense pas… C’est là que la peinture devient intéressante parce qu’elle n’est plus guidée… Ce que m’a apporté  l’art-thérapie, c’est de me laisser submerger… J’ai dessiné toute ma vie, mais n’ai jamais pensé qu’un dessin pouvait créer une émotion aussi forte que ça, comme une musique… D’avoir pleuré, ça m’a… je ne peux pas l’exprimer, je ne peux pas savoir exactement ce qu’il fallait que je vive… mais il fallait que j’aille à la rencontre de ce qui s’est passé à ce moment-là… ça m’a… ça m’a rendue paisible…» (Claire) 

Comme le relève Anne, l’art-thérapeute, «on ne fait pas de l’illustration de pensée ou d’images intérieures. On laisse quelque chose surgir. Ça ne passe pas par le mental. Tu entres dedans parce que tu es absorbée par ce que tu touches. C’est le premier trait ou la première couleur, par rapport à ce qu’elle va nous faire dedans, que du coup on va prendre une autre couleur et qu’une autre forme va apparaître et ça se construit comme ça».

Les participantes témoignent de la manière dont la création émerge de l’absorption dans la matière, les sensations, de l’attrait pour une couleur: «Les pastels… c’est tellement doux, c’est tellement euh… il y a tellement de sensualité dans le pastel que je pense que ça a fait venir des émotions… Je pensais pas que ça pourrait me sortir des émotions comme ça…» (Claire)

«Même sans force, épuisées, tristes, il leur est possible d’éprouver du plaisir, se sentir vivantes en s’exprimant, en créant.»

«Il y a quand même vraiment un truc qui passe par la sensation… la sensation d’écraser avec ses mains ou de faire tout doux avec un pinceau, ou comme quand je faisais des essais à l’encre de Chine… Ah, c’est tellement satisfaisant… ça coule, c’est hyperfluide… Puis de se laisser guider par cette sensation. Tout à coup, il y a quelque chose qui est… de la satisfaction.» (Léa)

«Je me souviens, pendant une séance. Une fois, j’ai eu un plaisir à poser un rose… il y avait un rose pétant comme ça… Oh, pis chaque fois que je le mettais j’étais là “Ah! C’est trop bien, il est trop beau… Je vais en mettre plus…”. J’avais une sorte d’exaltation qui naissait comme ça… un plaisir de voir cette couleur…» (Léa)

«J’ai eu une telle joie à coller mes petits bouts de papier, j’en revenais pas mais je me suis éclatée…» (Céline)

Les participantes se laissent emporter par les textures, les couleurs… elles découvrent alors qu’il est possible d’éprouver du plaisir, de se sentir vivantes, de créer de l’émerveillement, même lorsqu’elles sont tristes, épuisées, sans force, le corps douloureux:

«Une fois, on faisait un land art2, et j’étais en chimio, j’étais d’un… fatiguée… On était dans la forêt. C’était l’automne je crois, et je me disais: “Qu’est-ce que je vais faire avec moi-même? Comme je suis maintenant… j’ai pas la force… je vais faire quoi?” Puis, j’ai regardé par terre, j’ai trouvé des feuilles… C’était très beau, toutes ces petites feuilles jaunes partout… Alors j’ai ramassé ces toutes petites feuilles jaunes… Puis je pouvais pas, j’étais fatiguée… Alors j’ai tout mis sur le tronc d’arbre où j’étais assise, j’ai fait un petit chemin comme ça… Et je me suis dit: “C’est ça. Aujourd’hui, je suis comme ça…” Rien que d’aller ramasser des feuilles puis de les mettre sur l’arbre, j’étais épuisée… je ne pouvais rien ajouter… Alors que d’autres fois, j’avais un énorme arbre. J’avais tout sorti, les feuilles, les branches. J’avais de la force quoi… Et puis là… j’avais des petites choses comme ça, toutes fines, c’était drôle… c’était hypersensible… et je me suis dit: “Même sans force t’arrives à faire quelque chose… c’est petit, mais c’est tellement mignon”. Ces feuilles, c’était magnifique… Voilà, j’avais accepté d’être comme ça. C’est comme une reconnaissance de l’état où on en est et ça, ça fait du bien… Ça m’avait plu et contentée. Ça me suffisait. J’avais pas besoin de plus…» (Claire)

Il y a, d’une part, ce mouvement en direction de l’intérieur, qui semble permettre de s’immerger dans la sensation, de se laisser guider par le plaisir, la beauté, la satisfaction. Et d’autre part, simultanément, mes interlocutrices décrivent un autre mouvement qui semble permettre d’extérioriser quelque chose:

«J’aime m’exprimer avec des couleurs… j’aime découvrir ce qui sort de mon corps. C’est une expression de moi-même.» (Catherine)

«En fait, ça permet de sortir quelque chose… Le fait de mettre la douleur sur le dessin, ça apaise…» (Martine)

«Ça n’est plus dedans. Bon, c’est encore des fois un petit peu, mais c’est comme un truc que t’as posé sur la feuille quoi… ouais… je l’ai sorti…» (Brigitte)

«Pour moi, le fait que j’ai un cancer des ovaires, c’était hyper parlant par rapport à ce que j’étais en train de vivre… Pour autant, je veux pas me rendre responsable de ça… Mais je me dis que le corps, il parle pour nous… et quand on fait de l’art-thérapie, je pense que notre corps aussi il parle à travers nos mains… Et ça permet de projeter en images quelque chose qu’on ne peut pas conscientiser dans notre intérieur…» (Léa)

Et parfois, pas toujours, ce qui est exprimé par le corps, sans réfléchir, comme une surprise, un cadeau, permet une prise de conscience, apporte une réponse.

«J’adore cette surprise. J’adore découvrir ce qui sort de moi… Le cadeau qui m’est donné par… ce que dit le ventre, ce que dit l’inconscient…» (Catherine)

«Lâcher, puis c'est les mains qui parlent, c'est les mains qui donnent... Et ça donne autant de messages, autant de solutions que si on réfléchit. Et puis... elles viennent du cœur en plus!» (Céline)

«J’ai pris la première couleur, fffr… La deuxième, fffr, la troisième etc. Et euh… Vraiment hein, avec les mains, dans un truc complètement compulsif, (rit) pas du tout contrôlé… Et ce qui est assez impressionnant, c’est qu’on dirait que c’est un dessin qui a été pensé à l’avance alors que pas du tout. Il est apparu… (silence) Je comprends pas encore comment! C’est un mystère, il est… il est apparu sous mes élans de couleurs… Et là, je me souviens dans le processus, je me suis mise à pleurer… Et ça, ça a été mon introduction dans l’art-thérapie. Je suis rentrée de là, je me suis dit «Oh la vache!». En fait, je m’attendais pas à être prise par l’émotion comme ça…» (Léa)

«Oh mais pfff… moi je te dis, quand j’ai vu ça, je me suis dit… “Mais ouais!!!” J’étais sur le cul… c’était fort quoi, tu vois?» (Brigitte)

Si cet effet de surprise, le fait d’être « prise par l’émotion», est souvent recherché par la suite, dans d’autres séances, «le processus est souvent plus latent », moins spectaculaire. Néanmoins, contempler ce qui est «sorti du corps», «les messages que les mains donnent », ce qui a été « posé sur la feuille » apparaît comme un moment aussi important que l’immersion dans les couleurs, les formes, les textures. C’est une autre étape du processus qui s’amorce. À propos d’un dessin qu’elle a choisi de me présenter, Martine me dit: « Le dessiner c’était une étape, mais surtout de le voir après… J’ai eu beaucoup de plaisir à le dessiner, mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le voir. Et encore maintenant. Il me parle, il me parle encore, maintenant beaucoup…»

De même, Catherine mentionne : « Tous ces dessins, je les suspends dans mon salon, là où je les vois depuis ma chaise où je suis tout le temps. Et je les laisse agir. Je les laisse agir, je les regarde encore pendant plusieurs semaines. Avant qu’arrive le prochain dessin que je viens faire ici… donc ça agit, ça me donne des idées. Je… Je m’admire sur mon dessin, j’admire le côté que j’ai exprimé de moi-même…»

Ces femmes m’expliquent: «Ça nous permet d’avoir du recul», « On accède à un regard miroir sur notre intérieur», « On voit des choses que notre corps nous dit mais qu’on n’entend pas… mais là, on les voit. Et on voit qu’on a du mal à s’écouter en fait… à s’entendre… Je ne sais pas comment dire…». Elles précisent: «Et ce n’est pas une image qu’on t’a apportée comme ça en disant “ Voilà, ce que tu ressens, c’est ça…” Non, l’image elle vient de… justement je refais ce geste-là… du plus profond de moi…»

Ces prises de conscience, ces confirmations, «ne montrent pas toujours que ça va bien, hein? Ça montre la réalité de l’état du jour». Mais ça permet de se poser la question: «Est-ce que tu veux rester dans ce schéma-là? Qu’est-ce qui t’empêche de changer?». En effet, à partir de ce qui est « déposé sur la feuille », il semble possible d’engager un processus de transformation, de se réapproprier ce qui se présente et de se donner l’opportunité d’«élargir son horizon», de «porter un nouveau regard» sur la situation, d’envisager les choses autrement. Il s’agit pour l’art-thérapeute de favoriser ce processus. Et c’est à ce travail que nous allons maintenant nous intéresser sur la base de la présentation de quelques créations.

À l’horizon, des possibles

Léa me parle de sa peinture:

«J’ai construit cette peinture vraiment aléatoirement… faut vraiment me croire, quand je dis ça… Et ce qui s’est passé, c’est que ben… y a des décors qui sont apparus. Puis après j’ai mis cette rivière au milieu… Et… une sorte de ville a émergé ici… Et puis je me suis dit, en fait, cette ville, c’est Alep quoi… tout est explosé, en décrépitude, détruit… Je voyais ce décor très sombre… de BD noire…»

«À un moment donné, j’ai dit “Voilà, j’ai fini”. Et là, Anne m’a dit: “Regarde bien ton dessin et regarde bien s’il n’y a rien à ajouter, si c’est ok…” Alors j’ai regardé et tout d’un coup j’ai dit: “Bah… je veux m’ajouter sur le dessin”. Et je me suis faite ici, là… (silence) C’est comme si je regardais cette désolation. En fait les… les ravages de ma vie. Tout, tout ce qui était détruit. Et puis d’un coup j’ai dit: “Je vais ajouter mes enfants”. Puis je les ai mis… chacun qui me donne la main… Alors, il y a une espèce de lumière qui est venue, je sais pas comment… et en fait le paysage est devenu un paysage magnifique. Je peux pas expliquer… ça s’est passé comme ça. Le fait d’ajouter mes enfants tout d’un coup… ça a transformé ce décor sombre en quelque chose de magnifique et d’un peu magique et merveilleux…»

«Je lui ai donné le titre “Possible”… Tout devenait possible. C’était devenu une vue surplombant un horizon lointain, avec un coucher de soleil qui était déjà là, au départ, hein… J’ai juste rajouté après les nuages mais… l’horizon il était déjà là. 

 

Et c’était hyperclair… Dans l’émotion, c’était hyperclair… Ça n’allait pas être toujours comme ça… C’est un cadeau… En fait, une confiance. “C’est possible!”»

«Alors, tout d’un coup, il y a eu cette étoile filante que j’ai dessinée… enfin, non, y a pas d’étoile, mais il y a, j’ai fait… une ligne jaune… parce qu’y avait cette traînée de couleur. Et puis j’ai rajouté un petit peu de rouge, là. Mais le jaune, il était déjà là. Mais avant, on ne le voyait pas. Puis tout d’un coup, tu rajoutes ça, puis tu vois… Imagine, le soir t’es sur la plage avec tes deux enfants, puis dans une sérénité absolue, tu regardes le coucher de soleil. Bah c’est ça, ce sont ces sensations qu’on peut ressentir… de plénitude… C’est la même chose. Cette tranquillité quoi… C’est fou. Moi, j’ai été prise de court… Et chaque fois que je ressors ce dessin, il me procure toujours la même émotion…».

Un fond noir qui donne de la force à la lumière

Brigitte se rappelle: « Je sais plus exactement ce qu’elle a dit Anne, mais je crois qu’elle nous a demandé si on était d’accord de travailler sur notre pire souvenir. Et puis, à peine elle a dit ça, moi, en 5 secondes, j’ai fait ça (l’idéogramme de gauche). En fait j’ai même pas réfléchi… Après, j’ai pensé… “En fait c’est un idéogramme qui dit Condamnée à mort!” Tu vois ? Bon j’ai pas demandé à un copain chinois de me dire si ça ressemblait à quelque chose (rit). Mais j’ai vraiment fait comme un idéogramme, ouais… 5 secondes… elle avait même pas fini de dire…»

«C’est comme sur le dessin, ça m’a mis une épaisseur que j’avais pas avant… maintenant j’arrive à me sentir bien dans presque toutes les situations… J'ai plus besoin d’éviter les situations difficiles…» - Brigitte

Et elle me raconte comment, dans ses pires souvenirs, elle a reçu cette « condamnation à mort»: « Si tu veux, je tombais jamais malade, je voulais pas être malade, parce que je voulais faire mon travail tranquille. J’ai travaillé toute ma vie, puis après ben… quand j’ai eu la retraite, j’avais prévu trois voyages. Et puis bon ben, j’avais un furoncle ici… Je me suis dit “Je m’en fous quoi… Je vais pas commencer à avoir des problèmes à cause de ça, quoi”. Donc j’ai fait mes trois voyages, puis voilà, le gars il m’a dit ça… c’était comme s’il m’avait dit que j’étais condamnée à mort. Il m’a dit ça, que j’étais condamnée à mort, l’oncologue là… Après alors j’ai fait deux chimios et j’avais de nouveau plus rien. Mais après, il a dit: “Non, le protocole, c’est six chimios”. Alors j’ai fait les six chimios. Et puis en fait peut-être trois mois après, ils ont dit que j’avais une tumeur au cerveau. Et puis alors ils m’ont soigné la tumeur au cerveau. Puis après bah… il y avait une autre tumeur au sein… Puis après six mois, ben… j’étais pleine de métastases (silence)… Maintenant, je suis “chronique” il paraît… Bon, l’oncologue il a dit: “De toute façon si c’est pas dix-huit mois, dans quatre ans vous serez plus là”. Alors maintenant, comme ça fait trois ans et demi, faut que j’aille chez la psychologue pour pas qu’il y ait une partie de moi-même qui se laisse influencer par cette prédiction. Voilà…»

Brigitte relate ensuite comment le processus de création l’amène à retravailler ce pire souvenir, à ne pas rester « figée» avec cette « condamnation à mort». En effet, selon l’art-thérapeute, « les gens, quand ils reçoivent l’annonce du cancer, c’est un tel impact, un tel choc, qu’il y a tout d’un coup quelque chose qui fait que ça se fige à l’intérieur de nous, dans les images. Il s’agit alors de redonner du mouvement».

Après avoir peint, en 5 secondes, l’idéogramme sur la moitié gauche de la feuille, «quand c’était tout frais, j’ai fait une deuxième empreinte comme ça (en pliant la feuille en deux). J’ai rouvert et… je n’ai pas pu m’empêcher de recouvrir toute cette moitié (droite) de la feuille en gris foncé noir… c’est venu comme ça… Pourtant, c’est tellement contre ma façon d’être… parce que moi je déteste le noir, j’emploie jamais le noir… Mais c’est vrai que c’était une année où j’avais plein de projets, tout ça. Et puis… tous mes projets sont tombés à l’eau. L’année de la retraite… J’avais plein de trucs pour l’été, tout ça. Puis tout est tombé à l’eau. Rester sur ton canapé avec ta perruque…»

« Puis, en contemplant ce noir, je me suis dit: “Ouais mais… je suis pas restée dans ce noir…”. Dans cette période-là, j’ai pensé: “Bon s’il te reste plus qu’une année et demie à vivre, et puis qu’en plus ça va s’empirer… si c’est plus qu’une année et demie, qu’est-ce que tu peux faire maintenant ? Qu’est-ce que tu peux encore faire maintenant, quoi?” Alors même quand ça allait le plus mal en fait, ben j’ai continué d’arroser mon jardin… Tous les jours je me maquillais (rit), la première chose que je faisais le matin… je me maquillais. Et puis après bah les cheveux qui tombent… j’ai continué à me coiffer même que j’avais plus de cheveux… puis j’ai toujours mis une perruque… En fait, je cherchais tous les trucs positifs… Du genre, j’ai perdu 17 kilos, donc j’ai pu mettre toutes les robes que j’avais gardées parce qu’elles étaient rigolotes mais que je pouvais plus mettre (rire). Je faisais des trucs… Je suis pas restée dans ce noir, mais j’ai été obligée de le mettre…»

À partir de cette prise de conscience, après n’avoir pas pu s’empêcher de tout recouvrir de noir, Brigitte va commencer à peindre « la lumière qui revient peu à peu» (titre de cette deuxième partie de peinture). « Je vois un peu comme un jardin éclairé par de gros feux d’artifice… J’étais contente parce que j’ai trouvé qu’avec ce fond noir que je déteste, j’avais réussi à faire un truc assez gai. Et puis pas mou… Parce que des fois quand tu fais ce genre de trucs sur une feuille blanche, c’est un peu doucereux quoi. Tu vois? Tandis que là, avec ce fond, si tu veux, c’est comme si le fond noir il donnait de la force à la lumière… En même temps, c’est aussi ce que je ressens moi, par rapport à ma vie, tu vois? Parce qu’en fait, avant, j’étais un peu tout dans les trucs positifs. Je sais pas… j’allais jamais chez le médecin, je parlais jamais de maladie… C’est comme si je me disais “Bah si j’y pense jamais, ça va pas exister pour moi”. Ben pour finir, c’est comme si, d’un côté je suis contente d’avoir eu cette maladie… d’être toujours malade… Parce que ça m’a… si tu veux, c’est comme sur le dessin, ça m’a mis une épaisseur que j’avais pas avant… maintenant j’arrive à me sentir bien dans presque toutes les situations… J’ai plus besoin d’éviter les situations difficiles…»

Regarder plus loin, tourner la page

Martine me confie : « J’aime bien celui-là parce qu’il reflète vraiment ma soif de vivre, de liberté, d’apaisement et de tranquillité. Il m’a fait beaucoup de bien. » Puis, elle me décrit le processus : « Vous choisissez une photo qui vous parle parmi plusieurs qui vous sont proposées, puis vous dessinez autour avec… n’importe quoi. Et puis… ben moi j’avais pris cette photo, j’aimais bien, puis j’ai dessiné autour. Puis je trouvais que c’était… vraiment très apaisant.»

« …Après ce dessin-là, j’ai eu un moment de tranquillité dans le corps, dans l’esprit. Je me sentais vraiment vivante… non malade… Et maintenant, quand je le regarde, ça me fait encore du bien, parce que je me dis “C’est vraiment ça la vie”. » - Martine

Pour Martine, voir cet horizon qui s’élargit, c’est comme recevoir un message qui lui permet de « tourner la page ». C’est comme si son corps, son inconscient, quelque chose de plus grand qu’elle lui disait « T’en es plus là, c’est plus la fin… C’est plus la fin… y a de l’avenir…». Elle décrit bien comment, après l’annonce d’un cancer, « vous avez toujours un peu peur, parce qu’en fait vous avez pris conscience que vous alliez mourir, même si vous avez toujours su… Mais on sait pas ce que c’est la mort. On sait pas quand elle vient, on sait rien. Et puis… un jour, elle s’est présentée à la porte… Mais là je vois qu’elle me laisse un peu plus longtemps tranquille… Je vois qu’il y a encore un espoir d’être un moment sur terre, vivante, en bonne santé. Après ce dessin-là, j’ai eu un moment de tranquillité dans le corps, dans l’esprit. Je me sentais vraiment vivante… non malade… Et maintenant, quand je le regarde, ça me fait encore du bien, parce que je me dis “C’est vraiment ça la vie”.»

Estomper, orienter son regard

Céline me parle de son expérience: «Quand j’ai repris le travail, à la mi-août, j’y suis allée toute contente parce que c’était retrouver un peu de normalité… J’avais oublié que cela veut dire des tensions et tout ça… Et ça a été comme si on m’avait un peu coupé les ailes. Je pense que je n’avais plus d’armure. Avant, je me protégeais, j’étais au courant… et là j’ai repris sans protection. Vraiment, j’y suis allée toute neuve et voilà… Je suis rentrée en me demandant si j’aurais la force de retourner… J’étais bien contente de pas devoir retravailler le lendemain. Je suis venue à l’art-thérapie le jour d’après. Puis c’est là qu’on a parlé, qu’on a pu dessiner ce retour au travail et que j’ai vraiment dessiné une fracture…»

« Je crois que j’ai commencé par faire cet éclair noir… puis, pendant une demi-heure, j’étais vraiment hyper concentrée, dans mon dessin, à mettre de la couleur, à remettre encore dessus… Je n’ai pas eu d’idée de vouloir représenter quelque chose. Rien du tout… Une fois que j’ai eu fini, Anne m’a montré qu’il y avait… une brisure ou quelque chose… puis après on a tout estompé, on a enlevé la poudre, la craie avec du papier… on a tout frotté, on a tout estompé… Une fois qu’on avait fini d’enlever toute cette poussière, j’ai pu tourner mon dessin dans le sens que je voulais, puis j’ai pu rapporter deux ou trois coloriages par-dessus. Et puis ça a donné ça…»

« Et puis là bah… (Silence) Il y a l’énergie. Et le feu il est fort partout. Et puis y a cette petite protection que je n’avais pas vue avant. Je retrouve cette protection, cette petite tente où dedans, il y a, je sais pas… un cœur qui bat… quelque chose de beau. Puis j’ai compris que… voilà qu’il y a beaucoup de feu, beaucoup d’énergie en moi, mais que je dois protéger cette petite flamme intérieure… Alors ça, c’était une belle expérience. C’est beau… En plus, on dirait un fœtus…».

«Au moment où je fais ce dessin, je ne suis pas encore en accord avec ce côté qui aurait pu m’aider à dire non… Il m’effraye… Je ne rentre pas volontiers en conflit… Aujourd’hui, je pense que j’en suis plus loin. Le cancer, il m’a permis justement de me respecter, de m’écouter…» - Catherine 

Prendre ce temps pour être à l’écoute de ses sensations, respecter ses limites en fonction de sa force et de son énergie, exprimer son ressenti à l’aide de couleurs, de formes, de textures, se sentir vivante, animée, éprouver du plaisir, de la satisfaction, même malade, s’autoriser à porter un autre regard, envisager les choses dans une perspective créative, remettre en mouvement ce que la peur a figé, oser «tourner la page», cultiver «sa flamme intérieure», «nourrir son âme », semble permettre de « retrouver son pouvoir ». Mais qu’est-ce que cela signifie? La prochaine présentation témoigne de la manière dont Catherine, peu à peu, s’est réapproprié son corps, son ventre, sa féminité, les différentes facettes de sa personnalité et a renforcé sa capacité à «être actrice de sa vie».

Visages de lune

Voici le récit de Catherine:

«Vous avez dit que ça serait bien d’apporter une œuvre marquante… C’est celle-là qui m’est venue en premier, ce visage de lune… Ce visage m’avait fait peur en fait… On a un côté du visage qui est très sensible, qui est très fin, qui est très… je dirais “féminin”… qui est aussi l’expression d’une artiste je dirais. Et puis, il y a l’autre côté, qui est un peu froid… Enfin, c’est ce qui m’apparaissait à ce moment-là… très froid, un regard calculateur… trop perçant, pas assez sensible… Ça m’avait fait peur ce contraste entre l’un et l’autre. Je connaissais ces deux côtés… En psychothérapie, j’en parlais des deux côtés, j’ai beaucoup travaillé là-dessus… Mais c’est peut-être le fait de les voir en couleur qui a pu m’effrayer… même si je les connaissais déjà, je sais pas… Une peur de moi-même… de le voir en couleur…»

«Je pense aussi que ces deux côtés, cette guerre intérieure entre l’une et l’autre… Je pense que ça a dû aider au développement d’un cancer… Ça, ça me semble évident. Une guerre intérieure… une ancienne blessure qui est réalimentée par une actualité, une situation. Enfin, moi je l’ai vécue comme si le cancer était apparu lorsque je m’étais retrouvée dans une même situation que celle que j’avais vécue dans mon enfance… J’avais une combinaison de situations au travail qui ressemblaient à ma situation dans ma famille et c’était très poussé. J’étais en burnout et tout. J’ai l’impression que c’est cette pression de nouveau… de la même manière… qui aurait fait naître ce cancer. On le saura jamais, mais c’est ce que moi j’en ai tiré…»

«Au moment où je fais ce dessin, je ne suis pas encore en accord avec ce côté qui aurait pu m’aider à dire non… Il m’effraye… Je ne rentre pas volontiers en conflit… Aujourd’hui, je pense que j’en suis plus loin. Le cancer, il m’a permis justement de me respecter, de m’écouter…».

Peu à peu, Catherine a apprivoisé le côté d’elle qui lui paraissait plus «froid», «plus calculateur», «moins sensible». Elle l’a apprivoisé, non pas pour « se battre » avec une « énergie presque illimitée », «faisant face à tout et n’importe quoi», mais pour «faire attention à moi», «m’imposer avec mes besoins». «J’ai appris à me protéger des attaques de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur… parce qu’il y a aussi des côtés noirs de l’intérieur qui justement peuvent être trop critiques envers moi-même…» Si cet apprentissage est lié d’une part aux contraintes physiques que lui impose le cancer des différents organes digestifs, d’autre part à son travail thérapeutique, elle l’explicite et le renforce au travers de sa démarche en art-thérapie. À l’atelier de Colombier ou à la maison, par le biais du dessin ou de la peinture, Catherine explore son corps, sa féminité. Avec la sensualité et les nuances des formes et des couleurs, elle se permet d’extério- riser son ressenti, d’exprimer ses besoins, «ce qui vient du ventre». Elle affirme avec détermination mais dans la subtilité son côté plus « sensible», plus « artiste», plus « féminin». Une réconciliation des deux faces du «visage de lune».

«À la maison, je faisais plutôt un peu de l’abstrait. Juste un peu de jeu avec les couleurs… et puis c’est comme si de mettre en mouvement ce processus créatif, je me suis dit “Ah, mais j’ai envie de dessiner le corps…”. Et j’ai fait toute une série de dessins. Un après l’autre, j’ai essayé… Essayé de capter le corps humain… un corps féminin. Puis l’expression de cette féminité aussi… Tout d’un coup, je voulais le retourner parce que c’était peut-être bien beau d’essayer de faire des dos… mais il fallait peut-être aussi le voir de face… Et là il se met en mouvement…»

« Après toutes les opérations, mon corps, mon ventre ne m’appartenait presque plus. C’était quelque chose de fragile qui était même étranger à moi-même. En plus, je ne sentais plus du tout mon ventre parce qu’il a été découpé en x morceaux, donc y a plein de muscles, de nerfs qui étaient coupés… Aujourd’hui, je ressens de nouveau mon ventre… Mais à un moment donné, j’étais vraiment coupée de mon propre ressenti… Ce pauvre ventre qui avait été coupé en x morceaux, il est de nouveau à moi et je le sens de nouveau…» Et ce n’est pas rien, souligne-t-elle: « Parce que quand je parle justement de… je sais pas, d’“inconscient”… Je ne dis pas “les tripes”, mais je parle de “mon ventre”… Chez moi, il y a beaucoup de choses qui viennent du ventre…»

Si le processus en art-thérapie renforce la capacité à être «actrice de sa vie», notamment en favorisant l’expression, la conscientisation et la mise en valeur de ses ressentis, avec la nuance et les subtilités qu’offrent les formes, les couleurs, les textures, si le processus permet un positionnement plus créatif que passif face à ce qui arrive, l’art-thérapie semble également initier parfois un autre type d’échanges avec son entourage.

«Moi, mes créations, je les mets dans les stories, sur WhatsApp. Juste 24 heures. Mes amis ils ressentent que je vais bien et ça me fait du bien. C’est un processus qui se vit pas tout seul… Quand vous avez été si peu bien, comme je l’ai été, les gens ils ne vous voient plus… ils ne vous perçoivent plus comme avant… Vous êtes “malade”. Vous n’êtes plus au même étage qu’eux. Du coup, je suis assez contente qu’ils arrivent à me voir vivre à travers un dessin. Ils me voient vivante à travers un dessin.» (Martine)

«Maintenant, des fois, je fais des feuilles… J’en ai fait une à Anne quand elle était malade l’année passée… J’ai offert des Ginko… je sais pas si t’as vu? Et puis j’ai écrit pleins de trucs… Et puis on peut pas… c’est pas de l’art, c’est pas de l’écriture… c’est des trucs que je ressens et puis que j’aimerais pouvoir dire aux autres, que des fois, je peux pas le dire… Et puis une fois que c’est posé, c’est un peu comme si… ça se pose. C’est visible ou pas. Mais faut pas… Moi, je l’ai écrit et ça me suffit. Des fois… c’est libérateur, c’est un peu un truc comme ça… Ça libère… Ça peut partir de n’importe quoi… d’un cœur, d’une feuille… j’ai fait un univers… et ben, ça voulait tout dire, cet univers. Enfin tu donnes de l’énergie… ça a tout un truc spécial…» (Claire)

 

Honorée par la confiance que m’ont accordée ces femmes, j’espère que cet article, dans le prolongement du bénéfice que Martine trouve en affichant ses créations dans ses stories, aura permis au lecteur de sentir comment l’art-thérapie accompagne le «vivant» au-delà de la maladie. Comment le processus de création permet d’exprimer avec nuances ce qu’on ne peut pas (se) dire. Laisser le corps « mettre en relief, dans la matière, plutôt que dans les symptômes» ce qu’il cherche à exprimer. À l’écoute, éprouver du plaisir à «nourrir son âme» avec les saveurs que procurent les textures et les couleurs. Donner forme à ses ressentis. Se laisser surprendre par l’horizon qui s’ouvre en changeant la perspective. Et bien plus encore… Merci à toi, Anne. Merci à chacune de vous, qui vous reconnaîtrez malgré les pseudonymes que j’ai employés par souci de confidentialité. Votre travail, vos créations et vos témoignages sont des cadeaux. •