La santé, c’est…
Vous avez sous les yeux un texte atypique, fruit d’une écriture collaborative… osons… d’une écriture intégrative.
Un projet porté par Line Rochat et Marina Ardizzone Cabitza
Préambule
Sous l’égide du Laboratoire citoyen en santé intégrative1, six personnes volontaires, jeunes, moins jeunes, voire âgées, proches des milieux de la santé ou non, ont décidé de se lancer dans une expérience originale: l’écriture collective d’un texte en rapport avec la santé. Dès les premières rencontres, les idées ont foisonné de toutes parts et il devenait évident que le thème «La santé, c’est…» prenait une ampleur considérable, tant le sujet est vaste, complexe, voire inépuisable.
Le texte qui suit vous livre l’ensemble de nos réflexions: témoignages, expériences, commentaires; le reflet de ce que chaque participant-e a mis sur la table. La diversité des mots rend compte à la fois de vécus individuels et de messages collectifs. Merci à Line2 et Marina2 qui nous ont accompagné-es dans cet exercice passionnant! Et, à vous, bonne lecture.
Annette3, Camille, Carmen, Éric3, Giorgio3, Véronique
La santé, c’est…
… du berceau à la tombe…
La santé c’est intime.
Tout commence par une étincelle de vie qui va barboter durant neuf mois dans un océan amniotique. Rêveur, curieux, l’embryon découvre le goût et les vibrations de ce qui l’entoure. Puis, c’est le passage de l’eau à l’air. Un premier cri pour dire: me voilà! Le-la voici accueilli-e par le regard plus ou moins aimant, plus ou moins confiant de sa mère, ses parents… le monde.
Ce sont ensuite les rencontres, les jeux, les accidents de l’enfance. Les émerveillements et les révoltes de l’adolescence. Les joies, les charges, les échecs et les succès de l’âge adulte, l’envie de se réaliser et de bâtir, le besoin de se conformer et de faire des concessions.
Cette étape cède la place aux découvertes et à l’apaisement de l’âge mûr… aux sages et petits bonheurs du grand âge… à la vie qui se rétrécit et perd progressivement sens.
La santé, c’est être touché-e, nourri-e, lavé-e, bercé-e… éduqué-e, encouragé-e, félicité-e… aimé-e, caressé-e… accompagné-e, aidé-e, soigné-e. C’est toucher, nourrir, bercer, encourager, aimer, caresser, aider. S’abandonner à la vie… jusqu’à la mort… voire au-delà.
… se sentir vivant-e…
Je me sens en santé, quand j’ai envie de me lever le matin et d’affronter les batailles qui se présentent; quand j’accepte les limites et ma propre finitude; quand je suis inspirée pour composer les vers du poème de ma vie et que je me débrouille constamment pour trouver de nouvelles rimes.
… pas forcément en bonne santé…
La santé rime avec bonheur et je peux même la faire rimer avec maladie, car je me sens encore en santé lorsque j’ai quelques dysfonctionnements, une affection chronique ou un inconfort.
La santé, c’est me sentir bien, ne pas avoir de soucis. Je me débrouille bien malgré diverses maladies qui m’accompagnent dans mon parcours.
Elle est une circulation vitale présente même quand je suis malade.
Être en santé – pas forcément en bonne santé! – c’est n’être pas trop «patient-e». Avoir en soi une sorte d’impatience à croquer quelque chose de la vie…
… avec aussi un corps qui dysfonctionne…
Être en santé, c’est… ne pas penser à sa santé!
Vivre en harmonie avec l’énergie dont on dispose… même si celle-ci varie selon les époques et s’amenuise inévitablement avec l’âge. À mon avis, on ne pense à sa santé que le jour où on est malade.
Une grande partie de la population attribue la santé au corps, uniquement. C’est-à-dire, est-ce que le corps fonctionne ou non, est-ce que l’on a mal quelque part ou non.
Mais, est-ce que si je suis en dépression, que je ne vais pas bien, je suis quand même en bonne santé?
Il faut que la personne qui fait le diagnostic approuve ou confirme d’une manière scientifique ce que l’on ressent.
Cela veut dire que: l’on ne commence à s’intéresser à nous qu’à partir du moment où il y a un problème.
Cela veut dire que: la notion de santé est liée au fait de ne pas avoir mal, de ne pas sentir ou de voir que quelque chose ne fonctionne pas.
Mais, qu’est-ce qu’il se passe si l’on n’arrive pas à prouver ce que l’on ressent? Est-ce que cela veut dire que l’on se trompe? Que c’est dans notre tête?
Et si la santé c’était plutôt un processus, un cheminement? Et si la santé, c’était plus progressif et moins noir ou blanc? Et si s’occuper de la santé, c’était prendre soin de la personne avant qu’elle aille mal? Et si la santé, c’était s’occuper de soi dans son ensemble et pas juste de son corps?
La santé, c’est apprendre…
Si vous saviez tout ce que vous transportez en vous sans le savoir.
Si vous saviez le poids de ces souvenirs, de ces choses mal digérées.
Si vous saviez le poids des choses non dites, des choses mal dites.
Si vous saviez le poids des émotions réprimées, des émotions refoulées.
Si vous saviez comme on ne nous a pas appris à nous aimer.
Si vous saviez comme on ne nous a pas appris à nous exprimer.
Seulement à nous changer. À nous juger.
Nous changer dans le regard des autres, rentrer dans le moule, suivre la foule.
Si vous saviez comme ça nous rend malades de ne pas être nous.
Si vous saviez comme la lumière s’éteint lorsqu’on fait semblant.
Si vous saviez comme on attend le dernier instant pour s’occuper enfin de nous.
Pourquoi a-t-on peur de tout simplement être?
C’est quand la dernière fois qu’on s’est aimé comme on est?
… sans toujours comprendre
Est-ce que tu n’es que mon enveloppe? La chose qui me transporte?
J’ai l’impression de ne pas avoir choisi mon véhicule. Des fois, je me dis que l’on n’est pas bien appareillé-e.
Quand j’étais plus jeune, j’étais persuadée de ta longévité, de ta tenue à toute épreuve, de ta fiabilité.
La vie m’a montré autre chose: des fois, tu marches moins bien, et je sais pourquoi. Des fois, tu marches moins bien, et je ne comprends pas pourquoi.
Des fois, j’ai l’impression que c’est ma faute, que j’aurais pu éviter de te blesser.
Des fois, je me sens démunie.
Je ne peux que t’accompagner dans ton processus de guérison.
… c’est apprendre à agir…
Être acteur ou actrice de sa santé, c’est s’approprier un rôle que l’on nous a donné.
Être acteur ou actrice de sa santé demande également de faire preuve d’humilité face à la maladie, mais aussi face aux professionnel-les de santé.
Être acteur ou actrice de sa santé, c’est un dialogue permanent et nourri fait de confiance mutuelle entre tou-tes les intervenant-es dont le-la patient-e sera le-la principal-e bénéficiaire.
Au-delà d’être acteur ou actrice, on peut devenir auteur-e de sa santé.
Être auteur-e de sa santé, c’est écrire sa propre histoire, son parcours.
Se sentir toujours concerné-e, impliqué-e, actif-ve, auteur-e de sa vie et de sa santé justement.
Exercer son libre arbitre.
Se savoir « vivant-e », « animé-e » – idéalement « aimé-e ».
Être respecté-e.
Être soi.
Se regarder comme tel-le.
Se sentir regardé-e comme tel-le et non comme un souci ou un problème dans le regard de l’autre.
Décider de ce que l’on fait, de ce que l’on veut seul-e ou accompagné-e par sa famille, des proches aidant-es, médecins, conseiller-ères en santé.
La santé, c’est…
… être vulnérable…
La santé me renvoie à mon rapport à moi, à ma propre fragilité et à mes ressources, à mon rapport à l’autre que j’accompagne ou qui me soigne et au monde, car chacun-e est potentiellement vulnérable dans un moment ou un autre de sa vie.
… avoir peur…
La peur de la robe pour l’avocat, la peur de la blouse blanche pour le médecin. La peur du qu’en-dira-t-on, la peur d’apprendre une maladie, un diagnostic, une maladie incurable, chronique, voire l’ultime chemin de vie. La peur de se dévoiler.
Toutes ces craintes sont légitimes, humaines.
… peur d’en parler…
Pourquoi ai-je peur de parler de mon état de santé, de mes problèmes? Parler, parler autour de nous de notre maladie, à nos proches, à nos ami-es, peut nous aider à retrouver la confiance.
Parler, c’est ouvrir la vanne de sécurité de toute la pression que notre état de santé a mise sur nous. Ouvrir son cœur et son esprit ne peut que faire du bien. Témoigner de ses propres expériences, comme de ses propres peurs, est tout bénéfice pour soi. L’on se nourrit de ses expériences comme l’on nourrit celle ou celui qui nous écoute.
… peur d’entendre
Oser parler à quelqu’un de sa santé, demander comment il-elle se sent, bien, pas bien, heureux-se, triste, sans courage, ce n’est pas toujours facile. Mais avec un peu de bienveillance et d’écoute, on s’aperçoit que ce n’est pas si compliqué: en rendant une visite, en apportant une fleur, une revue ou des douceurs, simplement être là.
Oser parler de sa maladie, ce n’est pas évident non plus. L’entourage ne veut ou ne peut pas toujours l’entendre, le croire, ou évite tout simplement la personne malade.
La santé, c’est…
… être en relation avec les autres…
Quand ma santé flanche, le regard bienveillant d’un-e soignant-e, un-e proche ou un-e professionnel-le, son écoute, son empathie, sa solidarité et ses compétences deviennent mon salut. Mes ressources, mon énergie vitale se réenclenchent pour surmonter ce passage ou pour avancer.
Mme S. porte depuis quelque temps une poche urinaire. D’habitude, une fois par semaine, elle passait la nuit chez sa fille et dormait dans la même chambre que sa petite fille. Depuis qu’elle a cette poche, Mme S n’ose plus partager la chambre avec cette enfant, de peur du regard qu’elle pourrait lui porter. Un patient-partenaire connaissant cette problématique l’encourage à dialoguer avec sa petite-fille, sans tabou, afin de créer un rapport de confiance entre elles et de rendre ainsi «le regard de l’autre» possible: d’une peur du jugement faire une relation complice, positive et constructive.
«Il y a quelques années, j’ai décidé de rédiger mes directives anticipées à la suite de plusieurs problèmes graves de santé. Première tâche super importante: établir ma propre définition de qualité de vie; quelles sont les choses vraiment importantes pour moi? À quoi suis-je prêt à renoncer, qu’est-ce qui est “essentiel” pour que je puisse accepter ma “nouvelle” condition? Dans toutes ces discussions, une chose m’a surpris: ma femme, qui m’a accompagné dans toutes les étapes de maladie parfois douloureuses et dans ma quête de définition, m’a plusieurs fois questionné: “Est-ce que tu es sûr? Parce que quand tu étais malade à l’hôpital, tu pensais autrement…” Ses remarques m’ont fait comprendre à quel point mon identité et acceptation de moi-même étaient en train d’évoluer. Parfois rapidement… Reconnaissons l’aide énorme que peuvent nous apporter des discussions avec notre entourage: ami-es, famille, pair-es…»
… se sentir isolé-e…
L’arrivée d’un grand perturbateur, que l’on subit dans sa chair, dans son esprit et dans son âme, ne rime à rien.
Encore moins avec tous les soins que l’on se porte. Il tombe comme un éclair. L’on ressent un moment de vulnérabilité totale et de solitude immense face à son devenir.
J’ai l’impression que les personnes atteintes dans leur santé sont souvent mises de côté, que ce soit à cause d’une opération, une grave maladie ou une dépression…
La santé, c’est…
… des changements de rythme…
À l’annonce d’un problème de santé, nous sommes tous et toutes souvent perturbé-es, mille questions tournent dans notre tête et il est parfois compliqué de se réconforter et de continuer à avancer.
Métro, boulot, dodo,
Métro, boulot, dodo,
Métro, maladie, dodo,
Maladie, maladie, dodo,
Maladie, maladie, maladie,
Maladie, métro, boulot, dodo.
Arrête de bloquer ton souffle. Respire.
Suite à cette expérience, rien n’est plus pareil. Je ressens la vie comme un grand cadeau. Mes choix, mes décisions de vie et professionnelles, se voient modifiés. La vie, la relation à l’autre et la sollicitude deviennent prioritaires.
… être accompagnés par la dimension spirituelle…
«Je suis rentré dans un tunnel terrifiant de graves problèmes de santé. La spiritualité n’était pas présente dans ma vie. Un soir, une personne que je connaissais à peine a sonné à ma porte pour me lire un chapitre de la Bible. C’était une voix véritablement prophétique qui a ouvert grand la porte de mon monde spirituel et qui m’a aidé énormément à trouver une nouvelle identité. Cette spiritualité (retrouvée?) m’a aidé énormément à me ressourcer et redéfinir mes objectifs de vie.»
1 Il y a un moment pour tout, un temps pour chaque chose sous le ciel:
2 un temps pour mettre au monde et un temps pour mourir; un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté;
3 un temps pour tuer et un temps pour guérir; un temps pour démolir et un temps pour bâtir;
4 un temps pour pleurer et un temps pour rire; un temps pour se lamenter et un temps pour danser.
(Ecclésiaste 3 : 1-4 NBS)
Je continue à composer avec la puissance de mon être, avec une santé transformée qui demande d’apprivoiser des ressources insoupçonnées, avec une nouvelle inspiration recomposée et avec la force poétique de la vie.
La santé, c’est aussi un système…
… anxiogène…
L’ordre sanitaire est menacé de toute part. Le coût toujours plus élevé de la santé publique et les charges d’assurance toujours plus élevées pour les contribuables. L’émergence d’une médecine à deux vitesses. Le manque de confiance quant à l’utilisation des données des patient-es et des citoyen-nes. L’incidence de la mainmise des grands groupes pharmaceutiques sur la recherche médicale et leur inclusion toujours plus grande dans les hôpitaux universitaires.
Comment je me sens aujourd’hui, qu’est-ce que je vais manger pour mon repas?
Il faut que je fasse des courses. Chic, des pâtes fraîches! Mince, elles contiennent du sucre et des sulfites, alors non, je dois trouver un autre aliment. Du saumon peut-être? Ah, non, il contient des métaux lourds, de la dioxine de titane aussi et des agents conservateurs. Je vais devoir me contenter des carottes et de la salade que j’ai chez moi et des cerises de la région pour le dessert.
… producteur d’inégalités…
«J’ai grandi en France. On apprend que se soigner va de soi, que c’est un droit pour tou-tes, et que c’est assez souvent gratuit ou pas très cher. C’est bête, mais, en Suisse, pour les “petites choses”, avant de décider si je vais consulter, je regarde d’abord si j’ai les moyens.»
Ces chères assurances! Une très ancienne tradition chinoise voulait qu’on paye sa-son médecin tant qu’on était en bonne santé et qu’on cesse de le faire quand on était malade. Est-ce de cette sagesse que se sont inspirées nos «chères» assurances? Oui, dans la mesure où cet instrument nous invite – nous oblige même pour une part – à payer des cotisations alors que l’on est en bonne santé! Sauf que: ce n’est pas «sa-son» médecin que l’on paye alors, dans le cadre d’une relation de confiance qui se construit à deux, avec pour objectif prioritaire la préservation optimale d’un précieux capital santé!
Ce sont des sortes de boîtes génératrices de paperasserie dont, progressivement, le pouvoir sur le système de santé s’accentue. Des acteurs et actrices qui s’immiscent dans la relation patient-e-médecin en formatant le temps que ce ou cette dernier-ère peut investir pour réellement connaître sa-son patient-e, dans toutes les dimensions qui impactent sa santé. Des acteurs et des actrices qui ne jouent pas vraiment la carte de la santé communautaire et dont les mécanismes ont plutôt tendance à renforcer les injustices déjà liées aux déterminants socio-économiques de la santé.
«Je suis une privilégiée, je peux me permettre financièrement d’adapter mes activités pour me sentir en équilibre et en santé.»
… qu’on aime et qu’on déteste…
Les assurances sont nos amies quand nos médicaments nous sauvent la vie. Lorsqu’il faut batailler avec elles à cause du prix du médicament qui va nous aider à ne pas mourir tout de suite, dans ce cas-là, elles sont nos ennemies.
Nous, citoyen-nes, sommes versatiles: lorsque nous sommes en santé, les assurances sont trop chères, lorsque nous passons par la case hôpital, nous sommes reconnaissant-es d’être dans un pays «où l’on est bien assuré-e, avec une bonne médecine».
… qui nous concerne tous et toutes
La santé est une affaire personnelle jusqu’à ce que la maladie fasse irruption et mobilise les professionnel-les de la santé, ces proches qui deviennent proches aidant-es, les ressources de la communauté, de celles et ceux qui souffrent d’une même pathologie.
Ce système est-il celui dont j’ai besoin? Me suis-je senti-e suffisamment concerné-e jusque-là? A-t-il su me protéger, contre mes excès, bien sûr, mais aussi contre ceux de notre société, les inégalités, le stress, la pollution, une alimentation de plus en plus industrielle? Est-ce à lui de le faire?
Il est urgent de réaliser que la santé est une affaire qui nous concerne tou-tes et de construire collectivement une représentation partagée. Préalable indispensable pour concevoir un système qui fonctionne.
Soigner, soulager la souffrance, accompagner la vie jusqu’à la mort m’a mobilisée pendant des décennies. Questionner ma pratique, apprendre de nouvelles techniques, de nouvelles approches, pour connaître chaque fois mieux l’être humain, ses ressources et ses besoins, a motivé mon parcours et celui de tant de professionnel-les de la santé.
Que s’est-il passé ces dernières décennies?
Nous avons perdu notre boussole, dans un système qui cherche l’efficience, le profit et qui perd de vue l’être humain, le soin: l’essence de la vie et de la santé.
«Pour moi, la santé n’est pas un droit. C’est une quête, toujours incomplète, qui nous mène au bout de nous-mêmes. Elle est faite de souffrance et de joie et peu à peu, elle nous libère. Et quand elle est portée par la société tout entière, cette quête individuelle devient la conquête de tous.» Charles Kleiber4, Le Temps, septembre 2018.
La santé, c’est surtout prévenir…
Le système de santé ou système de maladie? Comment devrait se transformer celui-ci pour devenir un système soucieux de maintenir et promouvoir la santé? Pour s’orienter davantage vers la prévention des maladies? Ces maladies générées en grande partie par nos modes de vie.
… en prenant soin de soi…
Prendre soin de soi, bien manger, bouger, faire du sport, gérer son temps, ses rendez-vous, sa prise de médicaments.
Dis, est-ce que tu m’entends? Je ne voulais pas te faire de mal, je voulais juste vivre. Je me sens coupable. Je me demande parfois : pourquoi je te blesse? Pourquoi ça me blesse? Pourquoi je te laisse aller mal? Pourquoi je me laisse aller mal? Je ressens. Quelles belles cicatrices, quelles belles épreuves tu as vécues! Quelles belles expériences nous avons traversées! Pour pouvoir t’aimer, il faut que je m’aime. Tu es magnifique. Merci.
La santé passe aussi par la santé spirituelle qui repose sur la conscience de soi et la capacité à communier avec ce qui nous entoure. Cela peut nous aider à nous ressourcer, tous les jours, à développer des habitudes qui pourront nous être très utiles dans les moments plus ou moins difficiles. (Ré)apprenons à pratiquer la gratitude, à nous distancer du monde matériel, à consacrer plus d’attention à notre intériorité.
… et des autres
M’étant blessée, j’appelle mon médecin traitant qui est en vacances. J’appelle ensuite un centre médical qui ne prend pas de patient-es, car le personnel est surchargé. J’appelle un autre centre médical, surchargé lui aussi. On me dit d’aller à la permanence médicale. Je m’inscris à l’accueil avec une réceptionniste très agréable, j’attends un peu, une infirmière regarde ma main, j’attends encore un peu, un médecin arrive, on attend les résultats, le médecin revient, l’infirmière revient, et je peux repartir chez moi. Tout cela en une heure, avec beaucoup de professionnalisme et de bienveillance, malgré un patient très remonté qu’un soignant a dû gérer et qui l’a très bien fait: il a réussi à calmer ce patient. J’ai vécu beaucoup d’expériences médicales négatives, mais je trouve qu’en Suisse nous sommes plutôt bien pris en charge par le personnel soignant, malgré la fatigue due au travail harassant et aux tensions qui règnent dans les services hospitaliers.
C’est avec passion que des soignant-es des URGENCES, des soins intensifs et autres services s’occupent de la souffrance, de la vie, de la maladie, dans des situations invraisemblables, dans le stress, parfois face à l’agressivité des patient-es ou des proches insatisfait-es. C’est avec compassion que dans les soins à domicile ces soignant-es accompagnent les personnes démentes dans les soins qu’elles ne peuvent plus se donner, dans les soins palliatifs, ils-elles tendent la main et soulagent les derniers instants d’une vie, pendant que leur temps est minuté, leur efficacité contestée. Qui a de la compassion pour ces professionnel-les qui perdent la passion et leur santé pour s’occuper de la santé des autres?
Il y a URGENCE à valoriser le soin et l’autosoin, car ils sont des piliers du vivre ensemble. Il est impératif de continuer à prendre soin de celles et ceux qui soignent. Qu’il s’agisse de professionnel-les, de proches aidant-es ou de toute personne attentive à autrui, au risque de conséquences désastreuses pour l’humanité.
BREF
La santé, c’est une pluralité d’histoires qui s’écrit en chœur. La santé, c’est du berceau à la tombe, se sentir vivant-e, pas forcément en bonne santé, avec aussi un corps qui dysfonctionne. La santé, c’est apprendre, sans toujours comprendre. C’est apprendre à agir. La santé, c’est être vulnérable, avoir peur, peur d’en parler, peur d’entendre. La santé, c’est être en relation avec les autres, se sentir isolé-e. La santé, ce sont des changements de rythmes, accompagnés par la dimension spirituelle. La santé, c’est aussi un système anxiogène, producteur d’inégalités, qu’on aime et qu’on déteste, qui nous concerne tous et toutes. La santé, c’est surtout prévenir, en prenant soin de soi et des autres.
Nous avons partagé… maintenant, à vous de jouer !
Au travers de ces fragments choisis et relus de nombreuses fois, nous vous avons livré une représentation collective de ce qu’est la santé. Nous avons partagé. Maintenant, à vous de jouer! Et pour terminer ce texte en beauté, nous vous disons… santé!
Vos commentaires, vos réactions, vos remarques nous diront si l’exercice a été motivant pour vous autant qu’il l’a été pour nous!
Responsables du projet : line.rochat@unil.ch / marinajudie.cabitza@unil.ch
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1 Le Laboratoire citoyen en santé intégrative est un espace d’expérimentation sociale qui se constitue de manière participative et collaborative, au sein duquel les attentes et l’expertise expérientielle des citoyen-nes et des patient-es sont considérées comme centrales. Il s’inscrit dans le vecteur «Donner la voix à la population» de l’Initiative Santé intégrative et société lancée par la Fondation Leenaards et porté par le ColLaboratoire.
2 Line Rochat est responsable de recherche, Marina Ardizzone Cabitza est chargée de recherche. Toutes deux travaillent au ColLaboratoire, l’Unité de recherche-action, collaborative et participative de l’Université de Lausanne.
3 Par ailleurs membres du Collège citoyen de cochercheurs-euses en matière de santé associé au ColLaboratoire.
4 Secrétaire d’État à l’éducation et à la recherche de 1997 à 2007, après avoir été chef du Service de la santé publique du canton de Vaud puis directeur général du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).