[L'Illustré] « Les bénéfices de la maladie »
Accepter le cancer comme un compagnon indésirable avec lequel il va falloir vivre. C’est le pari que Jean-François Muller a décidé de faire en 2004, quand on lui a diagnostiqué une tumeur extrêmement agressive. «Comme je ne pouvais pas soigner ma maladie, j’ai décidé de soigner ma santé», explique ce survivant au parcours exceptionnel.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui s’intéresse aux approches alternatives?
Plutôt que de donner des conseils, j’aimerais partager quelques réflexions. Après l’annonce de mon diagnostic, il m’a fallu un peu de temps pour prendre conscience de ma situation et me remettre sur pied. J’ai compris qu’il y avait une tumeur qui me mettait en vrac et sur laquelle je n’avais pas de prise; en revanche, travailler à ma bonne santé était à ma portée.
La question est de savoir par où commencer. J’ai décidé de m’occuper tout d’abord de mon mental, pour que mes pensées se transforment en actes et que mes actes profitent à ma santé. En parallèle à ma prise en charge médicale et dès que mon état l’a permis, je me suis donné des moyens supplémentaires pour aller de l’avant.
Lesquels ?
Par exemple, la méthode Simonton, qui aide à comprendre comment on peut influencer sa propre guérison en mettant en place des croyances saines. Grâce à un profond travail sur soi-même, on apprend à déterminer plus facilement ce qui est bon pour sa santé. Progressivement, j’ai acquis une meilleure conscience de mon corps et appris à être bon avec lui, je me suis mis à l’écoute de mes émotions et de mes besoins en tenant compte de mes valeurs personnelles. Il est important que chacun trouve sa voie pour faire ses propres choix thérapeutiques, afin de les entreprendre avec engagement et conviction.
À la suite de ce travail sur moi-même qui a pris des années et m’occupe encore, j’ai ancré profondément en moi ces paroles aidantes: Je m’autorise à sortir de la maladie et je le décide. Je mets tout en œuvre en direction de ma bonne santé. Je me permets de m’arrêter, de m’ouvrir à des dimensions intérieures et me laisse guider par mon intuition et ma sagesse. Je me fais confiance. Il me semble également essentiel de prêter attention dès le départ à la façon dont on mange. En ce qui me concerne, j’ai choisi un médecin qui propose une approche globale de la nutrition.
Qu’avez-vous appris d’autre ?
Le canapé est un faux ami! Pour renforcer mon organisme, je bouge, je marche, je pratique des activités physiques qui me procurent du plaisir et qui me permettent d’apprécier le moment présent. Je ne parle pas d’accomplir des exploits, mais d’avoir au moins un objectif par jour – même si c’est simplement faire le tour du pâté de maisons.
Quel est le principal enseignement que vous tirez de votre expérience ?
Quand on m’a annoncé que je souffrais d’un cancer incurable, j’ai assez vite réalisé que ma vie d’avant était révolue. De nouvelles perspectives s’ouvraient à moi. Les limitations se sont transformées en bienfaits. Les faux amis ont disparu, de vraies rencontres ont eu lieu, mon esprit s’est ouvert à des dimensions insoupçonnées.
J’ai tout naturellement développé ma spiritualité. En méditation, j’ai notamment travaillé sur chaque métastase et j’ai pu accepter, voire comprendre la mort qui me faisait tellement peur. Sans cette maladie, je ne serais jamais allé à la rencontre de mon moi intérieur. Toutes ces épreuves m’ont obligé à ne rien lâcher, à m’extraire des futilités pour marcher vers la vérité, l’amour, la joie et, plus difficilement, le pardon. Bref, vers la vraie vie! C’est ce que j’appelle «les bénéfices de la maladie».
Avez-vous conscience que votre histoire ne reflète pas le parcours de la majorité des patients souffrant d’un cancer ?
J’ai conscience que mon histoire peut paraître extraordinaire, mais ce n’est pas ainsi que je vois les choses. En fait, j’ai assez vite ressenti une sorte d’intuition qui me disait que le mieux pour moi était de développer, en plus de la voie traditionnelle, des solutions thérapeutiques personnelles. Et le temps m’a prouvé que j’ai bien fait.
Journaliste : Francesca Sacco
Photographe : Miguel Bueno