[L'Illustré] Laboratoire citoyen en santé intégrative : donner à la population le pouvoir d’agir
Une sorte de laboratoire d’idées et d’expériences sur le vaste thème des soins de santé où chacun est libre d’aborder les sujets qui le préoccupent. Voilà, en très résumé, le mode de fonctionnement du laboratoire citoyen animé par le ColLaboratoire de l’Université de Lausanne (UNIL) dans le cadre de l’initiative Santé intégrative & société de la Fondation Leenaards. En réunissant un groupe hétérogène dans une série de rencontres innovantes, son ambition est de faire évoluer la manière d’envisager les soins pour qu’ils correspondent aux valeurs et attentes des patient·e·s. Explications.
On parle de laboratoire citoyen, car ici, avant d’être des patient·e·s, les usager·ère·s du système de santé sont des citoyennes et des citoyens, au même titre que les autres participant·e·s qui composent le groupe de réflexion : soignantes et soignants, chercheuses et chercheurs, proches aidant·e·s…. « Toutes ces personnes se rejoignent dans leur volonté de contribuer activement à un changement du système de santé », explique Line Rochat, chargée de recherche à l’Unité de recherche-action, collaborative et participative (ColLaboratoire) de l’UNIL. En réunissant autour d’une même table des personnes d’horizons et d’âges différents, il devient en effet possible de parler de la santé de manière « décloisonnée ». Une démarche qui porte ses fruits, si l’on en croit Jean Richard, un des membres du projet, qui a été victime d’un cancer de la moelle osseuse. « Le dialogue initié par ce laboratoire citoyen permet de confronter les points de vue afin de sortir des silos habituels et de battre en brèche les résistances que l’on rencontre trop souvent dans les discussions entre les professionnels de la santé et les citoyens. »
Jean RichardAujourd’hui, pour beaucoup de gens, il reste ardu d’identifier les pistes thérapeutiques envisageables dans leur situation. Par ailleurs, les professionnels de santé peinent encore trop souvent à proposer des solutions intégratives »
La santé intégrative comme thématique
C’est sous cette forme de rencontres innovantes que se réunit, depuis novembre 2022, un groupe d’une trentaine de personnes. Leur ambition ? Imaginer des solutions concrètes de mise en œuvre de la santé intégrative, autrement dit réfléchir à comment mieux concilier les approches conventionnelles et complémentaires de la santé en prenant comme point de départ thérapeutique l’expérience de vie du patient. Ces échanges ont permis de mettre en lumière un frein majeur à une telle prise en charge intégrative : la difficulté de naviguer dans le système de santé. « Aujourd’hui, pour beaucoup de gens, il reste ardu d’identifier les pistes thérapeutiques envisageables dans leur situation. Par ailleurs, les professionnels de santé peinent encore trop souvent à proposer des solutions intégratives », explique Jean Richard.
Donner aux patient·e·s les moyens de s’orienter
Face à ce constat de perte de repères, les membres du laboratoire ont lancé l’idée d’une « Boussole thérapeutique intégrative ». Cette dernière a été créée dans un but pragmatique : ouvrir un espace de discussion et de réflexion pour donner aux personnes les moyens de choisir, dans l’offre pléthorique de soins, la solution qui leur convient le mieux. « Trouver le bon traitement, au bon moment, dans le bon contexte, est aujourd’hui un défi majeur », souligne Marina Cabitza, également chargée de recherche au ColLaboratoire. Par ailleurs, ladite boussole devrait aussi promouvoir une prise de décision partagée entre les patient·e·s et leur médecin ou leur thérapeute.
Jeu de cartes, livret ou cercles à choix multiples : la forme concrète de cette boussole thérapeutique n’a pas encore été déterminée. Mais, pour les participant·e·s au projet, une chose est sûre : le processus se poursuit et une phase de consolidation pour ancrer la démarche dans le temps est encore devant elles et eux. Avec, à la clé, un véritable « agenda de changement » à établir, dont la mise en œuvre et le suivi impliqueront des citoyens et des citoyennes.
Journaliste : Francesca Sacco
Photographe : Sevan Fritsch