[L'Illustré] « Favorisons le dialogue entre les approches de soins conventionnelles et complémentaires »
Lancée en 2021, l’initiative « Santé intégrative & Société » de la Fondation Leenaards a financé neuf projets de recherche-action et mené une vaste enquête pour comprendre les nouveaux besoins de santé de la population. Son but : réunir et faire dialoguer les patient·e·s et les acteur·trice·s impliqué·e·s dans les différentes méthodes de soins. Mais qu’est-ce qui a motivé cette fondation philanthropique à lancer une telle initiative ? Les réponses du professeur Philippe Moreillon, président de la commission sciences & santé Leenaards.
Comment est née l’initiative « Santé intégrative & Société » de la Fondation Leenaards ?
Elle est partie d’une observation simple. Selon l’Office fédéral de la statistique, on compte en Suisse, hors des hôpitaux, pratiquement autant de thérapeutes non conventionnels que de médecins conventionnels, soit environ 18'000 professionnels de chaque côté. Cela veut dire que le citoyen suisse utilise tout autant les approches alternatives que conventionnelles. Selon la dernière Enquête suisse sur la santé, plus d’un tiers des Suisses ont recours à la médecine non conventionnelle pour se soigner et en sont globalement satisfaits. Des chiffres confirmés par l’enquête que nous avons menée au début de cette initiative. Or, après plusieurs échanges avec des spécialistes d’horizons divers, il nous est apparu que ces différents mondes de la santé se parlaient encore très peu, vraisemblablement au détriment de la qualité de la prise en charge des patients. C’est en partant de ce constat que la Fondation Leenaards a décidé de lancer cette initiative. Elle a pour ambition de favoriser le dialogue entre les différentes approches du soin qui, de fait, coexistent en Suisse.
La santé intégrative, c’est justement combiner méthodes conventionnelles et alternatives ?
Pas seulement. C’est aussi considérer la personne elle-même comme point de départ du processus de soins. On entend un peu partout parler du concept de « patient au centre ». Mais, avec cette image, on reste dans une vision des soins asymétrique, au sein de laquelle la personne malade est entourée de spécialistes. Pour nous, la santé intégrative doit partir de la trajectoire du patient et de son vécu. Il s’agit aussi d’être pragmatique. Quand les gens ont des difficultés de santé, ils cherchent des solutions. Si la médecine biomédicale ne suffit pas, ils essaient alors d’autres approches en parallèle, pour prendre en charge leur mal autrement. Reconnaître cette globalité des pratiques, mais sans chercher à montrer qu’une technique est meilleure qu’une autre – et tout en reconnaissant les limites et les compétences de chacune et chacun –, voilà le dialogue que nous cherchons à favoriser avec cette initiative.
Concrètement, comment cette initiative cherche-t-elle à faire émerger cette compréhension mutuelle chez les professionnel·le·s du soin ?
Nous avons d’abord financé neuf projets de recherche-action. Ils traitent de sujets aussi variés que l’hypnose, le Covid long ou encore les plantes chinoises. Dans chacun de ces projets, il s’agit de voir ce qu’il se passe à l’intersection des différentes approches de soins. Nous avons aussi réuni des patients et des soignants d’horizons divers dans des rencontres qui exploraient de nouvelles manières d’envisager la santé et la maladie. Enfin, une enquête a été menée auprès de la population, démontrant que les Suisses plébiscitent à près de 80% la médecine intégrative. Elle sera suivie d’ateliers citoyens afin d’expérimenter des modalités de mise en œuvre de la santé intégrative.
Qu’espérez-vous pour le futur de cette initiative ?
Nous espérons que d’autres initiatives de terrain émergeront dans le sillage de ce que nous avons initié. L’idée est de généraliser ces pratiques intégratives et de permettre d’améliorer les prises en soins, sans augmenter les coûts. C’est une évolution plutôt qu’une révolution.